Au-delà de l’entente entre les libéraux et le NPD, nous avons encore un gouvernement minoritaire à Ottawa

07 juillet 2022

Les élus de la Chambre des communes ont ajourné leurs travaux parlementaires pour l’été et seront de retour à Ottawa le 19 septembre prochain. Au cours des derniers mois, plusieurs grands dossiers ont occupé nos députés : le convoi de manifestants qui a bloqué Ottawa pendant plusieurs jours, la guerre de Poutine en Ukraine, la course à la direction du Parti conservateur, la hausse fulgurante de l’inflation et la crise des passeports.

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Toutefois, il y a un moment qui a peut-être moins capté l’imaginaire du public, mais qui est pourtant très important d’un point de vue parlementaire : l’entente de collaboration intervenue entre le Nouveau Parti démocratique de Jagmeet Singh et le gouvernement libéral de Justin Trudeau. En effet, les deux chefs se sont entendus pour travailler ensemble sur sept grands axes en échange de quoi, les néodémocrates assurent au gouvernement minoritaire libéral de survivre jusqu’en juin 2025.

En principe, c’est une bonne nouvelle aux yeux de plusieurs électeurs. Les gouvernements minoritaires peuvent avoir tendance à être instables et très partisans. En revanche, il faut souligner que les gouvernements trop sûrs d’eux-mêmes peuvent avoir tendance à être plus déconnectés des enjeux qui préoccupent vraiment la population. C’est un piège à haut risque.

En procédant ainsi, les deux chefs se sont acheté du temps. Justin Trudeau pourra achever la mise en œuvre de son héritage politique. Le premier ministre n’a pas d’excuses, alors qu’il est dans sa 7e année au pouvoir et dans son 3e mandat consécutif. C’est maintenant ou jamais qu’il doit compléter ce qui est le plus important pour lui dans son engagement politique. Rien ne l’assure d’une victoire électorale et cette réalité est encore plus vraie alors que les mandats s’additionnent et que le désir de changement augmente.

Cette stabilité relative lui offre également le luxe de réfléchir à son avenir, à savoir s’il prendra la décision d’être sur la ligne de départ aux prochaines élections. Dans l’hypothèse où il décidait de quitter, un scénario auquel croient plusieurs personnes au sein de son propre gouvernement, il pourra alors décider lui-même du moment pour demander à sa formation politique de déclencher une course à la direction et ainsi élire une nouvelle personne pour diriger les libéraux et le Canada.

L’entente donne également du temps à Jagmeet Singh, qui a connu deux élections aux résultats décevants à la tête d’un parti ayant pourtant formé l’opposition officielle il y a de cela à peine dix ans. La réalité cruelle est que l’électorat accessible au NPD préfère en ce moment Justin Trudeau, qui gouverne plus à gauche que tous ses prédécesseurs, du moins depuis le gouvernement formé par son père. Ainsi, si de son côté Justin Trudeau avait besoin de temps pour mettre en œuvre son héritage politique, Jagmeet Singh ne pouvait pas se permettre une troisième cuisante défaite électorale consécutive. Son poste serait alors devenu encore plus contesté qu’il ne l’est en ce moment. À ce sujet, plusieurs croient d’ailleurs qu’il aurait déjà dû démissionner après l’une des deux premières défaites.

Maintenant, est-ce que cette entente tiendra réellement jusqu’en juin 2025 ? C’est possible, mais ce n’est absolument pas acquis. En effet, l’un des deux partis pourrait décider que les conditions sont rompues à tout moment. Nous sommes encore en présence d’un gouvernement minoritaire après tout et nous savons que les contextes politiques évoluent rapidement. L’intérêt des signataires peut donc également changer.

Si l’on spéculait un peu et qu’on en venait à la conclusion que Jagmeet Singh serait peut-être intéressé par le poste nouvellement disponible de chef du NPD en Ontario. En effet, à la suite des élections ontariennes de juin, le poste est vacant et une course à la chefferie sera vraisemblablement déclenchée au cours des prochains mois.

Advenant que Jagmeet Singh vienne à la conclusion qu’il a plus de chance de devenir premier ministre de l’Ontario à la tête d’un NPD ontarien, formant aujourd’hui l’opposition officielle, qu’il n’en a de devenir premier ministre du Canada à partir d’un NPD formant le 3e parti d’opposition à Ottawa. S’il ajoutait à sa réflexion que la vie de famille serait plus facile ainsi. Un départ de Singh d’Ottawa vers Toronto ouvrirait la voie pour un ou une nouvelle chef.fe à la tête du NPD fédéral. Si ce scénario se concrétisait, il serait alors possible de douter que cette personne poursuive la même stratégie que Singh et qu’elle ne veuille pas plutôt reprendre l’électorat de gauche aux libéraux en s’en dissociant constamment plutôt qu’en lui garantissant le pouvoir.

Le même raisonnement s’applique chez les libéraux. Si le premier ministre Trudeau quittait son poste avant 2025, il n’y a rien qui assure que la personne qui le remplacerait serait d’accord avec cette entente. De plus, notons que généralement, un premier ministre ou une première ministre qui ne dirigeait pas le parti aux élections précédentes souhaite déclencher rapidement des élections générales afin d’obtenir son propre mandat de gouvernement.

Dans ces scénarios spéculatifs — et il pourrait y en avoir plusieurs autres — la fameuse entente tomberait aussi rapidement qu’était tombée la coalition formée par Stéphane Dion, Jack Layton et Gilles Duceppe lorsque Michael Ignatieff est devenu chef libéral.

Bref, il est possible que le gouvernement Trudeau soit bien en selle jusqu’en juin 2025. Il est toutefois également réaliste de croire que l’entente tombe bien avant ce terme.

Dans ce contexte qui semble stable, mais qui demeure incertain, si vous faites des relations gouvernementales pour votre entreprise ou votre organisation, mon meilleur conseil serait de continuer à avoir une stratégie adaptée à la réalité d’un gouvernement minoritaire à Ottawa. Parce qu’au fond, c’est toujours ce que nous avons.

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