Discours du Trône – Un premier test réussi
05 décembre 2019
L'angle TACT
Jeudi après-midi, le gouvernement Trudeau a franchi le passage obligé, très protocolaire, qu’est la lecture du discours du Trône par la gouverneure générale, la très honorable Julie Payette. Dans la vie parlementaire, il s’agit d’une étape importante : par un vote sur ce discours inaugural, lorsque le gouvernement est minoritaire, les partis d’opposition peuvent priver le Cabinet de la confiance du Parlement. Cette confiance est absolument nécessaire pour pouvoir gouverner le pays.
Un document de référence
La rédaction de ce discours est faite conjointement par le Bureau du Premier ministre et par le Bureau du Conseil privé, qui est le ministère relevant de monsieur Trudeau. Pour les ministres, les fonctionnaires et le personnel politique, il s’agit d’un document de référence venant baliser ce qui devra être accompli au cours du mandat et la façon d’y arriver. Sans le consulter chaque jour, ceux-ci s’en serviront sur une base régulière pour rédiger des mémoires au Cabinet, des soumissions au Conseil du Trésor ou même dans la considération d’idées proposées par les partis d’opposition.
Cinq priorités
Dans le discours de jeudi, le gouvernement a bien sûr indiqué qu’il mettrait en œuvre les principaux éléments de la plateforme électorale libérale. Mais il a aussi inclus des éléments et des expressions susceptibles de plaire aux partis d’opposition, ou en tout cas de ne pas trop leur déplaire.
Le gouvernement Trudeau se donne cinq priorités :
- Lutter contre les changements climatiques
- Renforcer la classe moyenne
- Parcourir le chemin de la réconciliation avec les Autochtones
- Assurer la santé et la sécurité des Canadiens
- Placer le Canada en position favorable pour assurer sa réussite dans un monde incertain.
Main tendue au NPD
Le NPD réclamait des engagements clairs du gouvernement, notamment en matière d’assurance-médicaments, d’assurance dentaire et de logements abordables. Le discours du Trône contient l’engagement de « prendre des mesures pour créer et mettre en œuvre un régime d’assurance-médicaments », sans toutefois préciser quel type de régime est envisagé.
Pour le chef néo-démocrate Jagmeet Singh, « ce n’est pas suffisant ». M. Singh souhaite la tenue de « conversations » avec le premier ministre afin d’obtenir des gestes plus concrets d’ici aux votes sur les motions relatives au discours du Trône. Pourtant, le chef du NPD n’est pas en position de force pour obtenir quelque gain que ce soit.
Main tendue aux Prairies
Le premier ministre ne pouvait faire autrement qu’indiquer aux Prairies qu’il avait compris le message du 21 octobre. Dans ce discours inaugural, les libéraux affirment que tout en luttant contre les changements climatiques, le gouvernement « travaillera avec la même ardeur » pour assurer aux ressources canadiennes – entendons, le pétrole – l’accès à de nouveaux marchés.
Cette phrase s’est cependant révélée insuffisante pour le chef conservateur, Andrew Scheer. Sans surprise, celui-ci a soutenu que le discours du Trône était « une insulte pour les populations de l’Alberta et de la Saskatchewan ». Il a annoncé qu’il proposera vendredi un amendement au discours, amendement qui fera évidemment l’objet d’un vote.
Et le Québec?
Le discours lu par la gouverneure générale ne contient rien de spécifique au sujet du Québec. Mais on y trouve des mesures qui seront populaires dans la province, par exemple un engagement envers les agriculteurs œuvrant sous la gestion de l’offre qu’ils seront « pleinement et équitablement indemnisés » à la suite de la conclusion du nouvel ALÉNA. De plus, en cette veille du 30e anniversaire de la tragédie de la Polytechnique, le gouvernement a confirmé qu’il compte interdire « les armes d’assaut de type militaire ».
Après avoir longuement critiqué le discours, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a clairement indiqué qu’il votera contre toute motion de non-confiance à l’égard du gouvernement, expliquant qu’il « voit (dans le discours) des avenues qui me permettent de faire des gains. ».
À moins d’une surprise…
Somme toute, le premier ministre Trudeau a réussi son premier test dans le contexte d’un gouvernement minoritaire. En conséquence, à moins d’un revirement tout à fait inattendu, il obtiendra un appui suffisant à la Chambre des communes pour gouverner… au moins jusqu’au prochain vote de confiance.