Formation du Conseil des ministres : processus et préoccupations
19 octobre 2022
À l’aube de l’assermentation du Conseil des ministres, qui aura lieu ce jeudi, nous nous sommes entretenus avec Martine Tremblay, conseillère spéciale chez TACT, et anciennement directrice de cabinet des premiers ministres René Lévesque et de Pierre Marc Johnson, afin de mieux comprendre le processus et les préoccupations derrière cet événement phare de tout nouveau gouvernement élu.
Lisez cette entrevue qui apporte un éclairage sur les aspects moins publics de ce processus complexe.
TACT : Madame Tremblay, mettons-nous dans les souliers du premier ministre François Legault quelques instants. Quelle est la première chose à penser lorsque l’on doit former un conseil des ministres ?
M. T. : La formation d’un conseil des ministres, ça se fait en plusieurs étapes, et certainement pas en une seule journée ! Le processus à suivre est long, et le premier élément de réflexion est l’organisation gouvernementale.
Ce que l’on entend par organisation, c’est : combien de ministères y aura-t-il ? Combien de ministres ? Aura-t-on 2 ou 3 personnes à la Santé ? Avons-nous besoin d’un ministre délégué, à l’Économie par exemple ou ailleurs ? Souhaite-t-on fusionner des ministères, en faire disparaitre, en créer de nouveaux ? Quelle structure permettra le mieux d’atteindre les objectifs gouvernementaux ? Toutes ces questions-là sont d’abord l’objet d’une réflexion de la part de l’entourage du premier ministre.
TACT : Des questions d’organisation qui sont d’ailleurs rapportées par les différents médias depuis deux semaines ! Actuellement, il semble y avoir un plan mis en place par le premier ministre et sa garde rapprochée. Maintenant, comment s’assurer de conserver le niveau de bonheur élevé au sein de la députation, surtout dans un contexte où la CAQ compte maintenant 90 députés ?
M. T. : C’est un défi, en effet ! Le deuxième élément d’importance dans le processus de formation d’un conseil des ministres est d’ailleurs la question des sensibilités politiques, auxquelles on doit accorder une grande attention pour les voir venir et les gérer correctement.
Nous sommes présentement dans le deuxième mandat de ce gouvernement, donc on sait qu’il y a des députés qui n’ont pas été nommés ministres lors du premier mandat, qui aspirent légitimement à le devenir maintenant. Il y a également les nouveaux et nouvelles venues, tout particulièrement les candidatures vedettes, qui sont des personnes ne souhaitant pas jouer un rôle d’arrière-plan. On tombe alors dans la gestion d’égos… et dans les questionnements et les rumeurs !
Est-ce qu’il y a des ministres qui vont « perdre leur job » ? Est-ce que certains vont être nommés à des ministères moins importants ? L’équipe du premier ministre doit être préparée le mieux possible à gérer ces situations sensibles, et donc, dans les scénarios qui sont faits, ces questions-là sont examinées à fond.
TACT : Sans parler des autres sensibilités à considérer pour placer toutes les pièces du casse-tête : les régions, la parité hommes-femmes, la diversité, la nomination de certaines personnes avec des expériences particulières…
M. T. : Absolument ! La question des régions est primordiale au Québec. Chaque région doit être représentée au conseil des ministres et c’est la même chose pour les grandes villes. Aucun gouvernement ne peut échapper à ça. En ce qui concerne la question de la parité absolue, on va essayer le plus possible de s’en rapprocher. Le premier ministre Legault a d’ailleurs souligné le soir de son élection qu’il a fait élire 58 femmes, le plus grand nombre de femmes élues dans l’histoire.
TACT : Après avoir pris en compte tous ces éléments, on se retrouve alors dans le développement de scénarios plus formels pour la formation du conseil des ministres. Comment cela se passe-t-il ?
M.T. : La manière dont est franchie cette dernière étape dépend beaucoup de la personnalité et du mode de fonctionnement du premier ministre. Il peut demander à son entourage de préparer un ou des scénarios ou bien il élabore lui-même un scénario de base plus ou moins détaillé. De toute manière, c’est le moment où chaque choix fait l’objet d’une analyse de risque. Par exemple, un nouveau ou une nouvelle venue qu’on pense très qualifié.e pour un ministère donné, mais qui a peu d’expérience politique ou gouvernementale, comment peut-on s’assurer d’éviter que cette personne se mette les pieds dans les plats dans les jours suivants sa nomination ?
C’est ici qu’entre en jeu la décision des directions de cabinet. C’est un élément dont on ne parle pas et qui ne fait pas les manchettes, mais qui pourtant, est presque aussi important que la nomination des ministres ! Le choix, la sélection, l’identification du bon directeur ou de la bonne directrice de cabinet, avec de l’expérience, c’est crucial, et souvent, c’est ce qui va assurer le succès d’un ou d’une ministre à court ou à moyen terme.
Et les candidats et candidates ministrables dans tout ça ? Comment vivent-ils ce moment fort de leur engagement politique ?
Pour le savoir, TACT vous proposera dans les prochains jours une courte entrevue avec Luc Fortin, ex-député de Sherbrooke et ex-ministre afin de faire la lumière sur cet élément méconnu.