Médias sociaux et COVID-19 : ce qui a changé pour de bon
15 juin 2020
L'angle TACT
Plus de trois mois se sont écoulés depuis que la COVID-19 est débarquée dans nos vies. Si elle a d’abord et avant tout bouleversé notre quotidien, cette crise a également chamboulé notre usage des médias sociaux; du temps d’utilisation à la nature de l’information consommée en passant par les stratégies numériques des organisations.
Or, la grande question à mon avis n’est pas tant de savoir comment la COVID-19 a impacté notre usage des médias sociaux, mais plutôt ce qu’il est restera dans les mois, voire les années à venir.
Je vous propose quatre tendances phares qui devraient se cristalliser ou prendre du galon, et ce, même après la pandémie.
Une lutte plus féroce contre la désinformation
On parle souvent des fausses nouvelles, mais il ne s’agit pas de la seule forme de désinformation dans les médias sociaux qui ait accentué la panique entourant la COVID-19. Parfois, ce sont des propos déformés ou tout simplement erronés communiqués par des sources en apparence fiables qui causent des maux de tête.
Par exemple, le 24 avril, Donald Trump a provoqué une tempête dans les médias traditionnels et sociaux en affirmant notamment que d’avaler du désinfectant pouvait soigner la COVID-19. Contrairement aux fausses nouvelles pures et dures, cette affirmation a bel et bien été dite par une personne d’autorité; seulement, elle est fausse sur le fond. Le président Trump commentait alors une étude du gouvernement américain selon laquelle « la chaleur, les UV et l’humidité pourraient réduire la durée de vie du virus »1. Un responsable de la Sécurité intérieure affirmait même que « l’eau de javel pouvait tuer le virus en cinq minutes et l’alcool isopropylique, en trente secondes »2. Le président Trump a quant à lui suggéré que cela pourrait même fonctionner à l’intérieur du corps humain, soit en amenant les rayons UV à l’intérieur du corps par la peau ou en injectant du désinfectant. Le fait que cette histoire provienne d’une mauvaise interprétation d’une information scientifique par le président en fait une arme de désinformation particulièrement sournoise.
De nombreux intervenants – médecins, associations du secteur de la santé et mêmes des fabricants de désinfectant – ont dû sauter sur leurs micros et claviers pour rectifier le tir. Bien que le tout ait accentué la circulation de la nouvelle, cela a aussi permis de rétablir les faits rapidement au nom de la santé publique.
Et c’est là toute la différence : en temps de pandémie, plusieurs n’hésitent plus à rectifier les faits avec virulence, sans complexe, et surtout, à l’unisson. Et ceux qui véhiculent les mauvaises informations en paient le prix. Le seuil de tolérance envers la désinformation a diminué d’un cran et il y a fort à parier qu’il n’y aura pas de retour en arrière, surtout lorsqu’il s’agit de sujets d’intérêt public.
Exit l’opportunisme
Depuis le début de la pandémie, vous avez probablement vu au moins une personnalité publique ou une entreprise qui a fait des liens malhabiles avec la COVID-19 dans les médias sociaux.
Ces entités ne cherchaient pas forcément à être opportunistes et à profiter de la situation; souvent, le plus grand reproche qu’on puisse leur faire est d’avoir été malhabiles. Or, la ligne à ne pas traverser est bien mince, et si vous donnez l’impression d’avoir voulu profiter de la situation, cela peut être tout aussi dommageable que si c’était véritablement votre intention.
Beaucoup d’organisations bâtissent plusieurs de leurs contenus autour des événements de la vie réelle, que ce soient des fêtes, des événements ou des éléments de l’actualité, parce que c’est ce qui touche leur public dans l’immédiat – et c’est souvent la bonne chose à faire. Mais lorsque des clients veulent employer cette stratégie, je leur dis souvent : quelle valeur avez-vous à apporter à votre interlocuteur dans cette intervention? Si la réponse n’est pas évidente, pensez-y bien; si ça ne vous vient toujours pas, vous devriez peut-être passer votre tour cette fois-ci. C’est un antidote efficace pour se tenir loin de l’opportunisme ou de la perception d’opportunisme.
Or, la COVID-19 nous démontre plus que jamais que ceux qui nous suivent sont de moins en moins tolérants avec ce genre d’erreurs. Cela force les entreprises à faire preuve de plus de finesse, d’intelligence et de pertinence dans leurs propos – et il y a fort à parier que ce niveau d’exigence créera un précédent au-delà de la crise.
Le rapport de force entre les citoyens et les marques bascule
Depuis le début de la pandémie, la hausse importante de l’usage des médias sociaux a été largement documentée, notamment par le New York Times ou le globalwebindex. Mais une plus grande présence en ligne veut aussi dire que les citoyens occupent un poids beaucoup plus grand dans le contenu qui est créé et diffusé dans nos fils d’actualité, et donc dans les tendances qui se dessinent.
Au bout du compte, les marques peuvent initier des tendances, les influencer, les propager, les faire évoluer; mais elles ne peuvent le faire sans l’apport des gens qui les suivent. Pour que les stratégies de contenus donnent des résultats probants, les entreprises doivent être en phase avec ce qui se passe dans la vie des gens, dans leur tête et dans leurs écrans.
De toute façon, les plateformes sociales – Facebook en tête de liste – ont fait beaucoup de changements pour donner plus de places aux individus, moins aux entreprises, et encore moins aux entreprises qui ont de la difficulté à générer un dialogue constructif. C’est exactement ce qui est en train de se passer.
Moins de calendriers mensuels, plus d’instantanéité
La COVID-19 nous démontre également qu’on peut difficilement prédire de quoi sera faite la semaine prochaine dans les médias sociaux; c’est assez vrai en général, mais ça l’est particulièrement par les temps qui courent.
Quand la crise a pris de l’ampleur, bien des organisations se sont retrouvées avec un calendrier éditorial soigneusement planifié qui, soudainement, est devenu désuet. Dans le contexte, il a fallu tout repenser : les objectifs, la stratégie de contenu, les contenus eux-mêmes, les façons d’interagir avec les internautes, le ton utilisé dans les publicités et plus encore.
Cette situation a mis en lumière un élément extrêmement important dans une stratégie de contenu de haut niveau : la flexibilité. La pandémie nous rappelle l’importance de bâtir un calendrier de contenu qui est sensible au contexte et de se structurer de façon à pouvoir rebondir rapidement et continuer à faire notre travail même si les règles du jeu changent du jour au lendemain.
Après tout, les stratèges médias sociaux doivent déjà composer avec des crises qui les forcent à revoir leurs contenus et leurs façons de travailler. Mais maintenant que nous sommes tous aux prises avec la même crise au même moment, c’est un véritable test de flexibilité, de créativité et de justesse auquel toutes les organisations sont confrontées dans la gestion de leurs médias sociaux.
Sources :
https://www.hec.edu/en/knowledge/instants/what-role-social-media-during-covid-19-crisis-0
https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/bryan-adams-instagram-apology-1.5565996
https://www.nytimes.com/interactive/2020/04/07/technology/coronavirus-internet-use.html
https://www.youtube.com/watch?v=DHkzqejFKbM
https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/bryan-adams-instagram-apology-1.5565996