Stratégies numériques et données électorales : le porte-à-porte du XXIe siècle!
15 septembre 2022
Elle est loin l’époque où Félix Leclerc chantait : « La veille des élections, il t'appelait son fiston. Le lendemain comme de raison, y'avait oublié ton nom. » Aujourd’hui, si un candidat ou une candidate qui cogne aux portes de sa circonscription pour se faire connaitre oublie le nom de la personne qui lui répond, il y a fort à parier que l’information sera quand même relevée et stockée pour un usage futur par son parti.
Ces dernières années en effet, les partis politiques provinciaux ont investi massivement dans des outils technologiques qui leur permettent d’engranger un nombre considérable de données sur l’électorat afin de maximiser leur efficacité. Cette personne est-elle membre du parti? A-t-elle fait un don? Est-elle venue à une activité du parti récemment? Est-elle abonnée à notre page Facebook?
Cela permet aux différents partis de se faire une idée des chances qu’ils ont de vous voir voter pour leur candidat ou candidate le jour J et de maximiser leurs efforts pour vous « faire sortir » le 3 octobre prochain.
Ce type de profilage électoral existe depuis des lustres. Les personnes plus âgées se souviendront des « assemblées de cuisine » où le pointage se faisait sur un coin de table ! Cependant, il s’est passablement raffiné et complexifié au cours des 15 dernières années.
C’est que toutes ces données ont un impact capital sur les stratégies numériques des partis… Et sur le financement!
Des données aux numériques
En campagne électorale, les analystes y vont de toutes sortes d’observations sur le poids des chefs et des partis sur les différentes plateformes : untel accumule plus de « j’aime » sur Facebook, unetelle plus d’abonnés sur Instagram, celui-ci a réussi à percer sur TikTok… Pourtant, la portée dite « organique » - c’est-à-dire la capacité de rejoindre un auditoire sans payer sur les médias sociaux – n’a pas grande importance en campagne électorale. Le nerf de la guerre pendant les 30 et quelques jours d’une campagne, ce sont les approches de reciblage. Bref, la publicité.
À cet égard, Facebook et Instagram (META) sont les outils privilégiés des partis. Plusieurs milliers de dollars y sont investis au cours de la campagne. L’objectif pour un parti : identifier les personnes les plus susceptibles de voter pour lui et s’assurer qu’elles aillent effectivement voter (et au bon endroit!) lors du scrutin.
Cela est d’autant plus important que les habitudes des Québécois et Québécoises ont changé depuis le dernier cycle électoral. Les temps d’écran sont en augmentation, surtout le temps d’écran au domicile, effet direct du télétravail. Bref, le numérique permet de rejoindre les gens à la maison… Comme on le faisait en porte-à-porte il y a peu de temps.
L’identification avant la persuasion… Mais, surtout, le financement en tête!
Les stratégies électorales numériques reposent rarement sur la persuasion : non seulement un nombre limité de membres de l’électorat est susceptible de changer d’opinion en cours de campagne, mais, surtout, plus la campagne avance, plus leur choix est ferme. Pourquoi investir massivement en publicité numérique alors ? C’est pour identifier ceux et celles qui votent du « bon » bord et assurer leur participation au processus démocratique.
Cela peut paraitre futile dans le contexte actuel où un parti domine les intentions de vote dans les sondages. C’est pourtant fondamental pour TOUS les partis. En effet, les partis politiques provinciaux sont financés en bonne partie par une allocation qui est distribuée proportionnellement au pourcentage des votes valides obtenus lors des dernières élections générales. Chaque vote enregistré pour un candidat ou une candidate représente donc une somme à percevoir pour son parti.
Selon ce modèle, le parti au pouvoir (CAQ) a touché 3,8 M$ en 2021, l’opposition officielle (PLQ) plus de 2,5 M$... Et le Parti conservateur du Québec, quasi inexistant en 2018, moins de 150 000 $. La bataille des données et du numérique des élections 2022 aura donc un impact majeur sur les ressources financières des forces en présence lors du prochain cycle électoral.
À condition pour les partis de pouvoir transformer leurs supporters en votes bien réels!
À titre d’expert en numérique et dans l’utilisation des données, Sébastien a été au cœur de nombreuses campagnes électorales ici au Canada comme en Europe.